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Anna Göckel choisit, à vient-quatre ans, les Sonates et Partitas pour violon seul comme programme de son premier disque. Décision audacieuse, peut-on penser, avant de se rappeler que Yehudi Menuhin les avait enregistrées à moins de vingt ans et Julia Fisher à vingt et un. La jeune marseillaise précise qu’elle les joue « depuis toute petite », ce dont on ne doute pas une seconde, tant cette version fait preuve d’une maturité, d’une hauteur de vue, et d’un niveau d’accomplissement impressionnants. On admire autant sa façon de conduire la musique que de faire sonner son instrument : la prise de son de Thibaut Maillard permet d’admirer la pureté de l’intonation, la précision des traits, la clarté de la polyphonie mais aussi la résonance de la caisse, la densité du bois, ainsi que la sonorité chaleureuse du timbre, marqué par un médium-grave d’une rare plénitude.

Son jeune âge pousse-t-il Anna Göckel à l’impatience? Un simple coup d’oeil au minutage apporte un élément de réponse que l’écoute confirme aussitôt. La large inspiration entendue avant le déploiement du premier accord de la Sonate n°1 laisse deviner que le voyage suppose de l’endurance et du souffle. La violoniste joue en effet avec une troublante ambiguïté les premières oeuvres, en mineur : le ton est volontiers grave, voir douloureux, mais jamais larmoyant ni brusque. Isabelle Faust, par exemple, affiche un jeu plus direct, plus frontal. Anna Göckel trouve toujours le caractère propre à chaque mouvement, (le doux balancement de la Sicilienne de la Sonat n°1, la rusticité du Loure de la Partita n°3) et prend soin de distinguer les sonates et leur puissantes constructions (l’étourdissante fugue de la Sonate n°3) des partitas et leurs dances stylisées à qui son archet bondissant donne toujours l’impulsion nécessaire (les triolets de la Courante de la Partita n°2). Nulle pose, nulle volonté de grandiloquence malgré une maîtrise instrumentale et mentale sans faille (le saisissant passage en majeur dans la Chaconne, mes.133 à 7’49) dans cette interprétation : Anna Göckel se distingue au contraire par un jeu d’un naturel étonnant. De son archet aérien, elle nous mène de l’ombre des premières pages à la lumière radieuse des dernières. Aussi trouvera-t-elle aisément sa place parmi les meilleures versions récentes : Christian Tetzlaff (Ondine 2016), Isabelle Faust (Harmonia Mundi 2009 – 2011), Amandine Beyer (Zig-Zag territoires, 2011) et Julia Fisher ( Pentatone 2004).

© Anna Göckel 2020 - Mention Légales - RGPD

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